C’est vrai, je n’ai pas à me plaindre. Pourtant j’ai froid
alors que je suis au chaud. Car mon âme est glaciale. Et pour la couvrir je
n’ai que mes regrets et mes soupirs. Je m’en veux pour toutes les fois où j’ai
détourné mon regard. Toutes ces fois où j’ai fait semblant d’ignorer. Semblant
de ne pas voir. Je voulais masquer ma vue pour protéger mon cœur. Je niais
cette réalité comme ces médias qui sélectionnent ce qu’ils veulent montrer.
Mais la réalité s’impose, elle n’a pas besoin d’autorisation. L’image persiste,
elle me frappe et ne me quitte pas. Et subitement je revois cette scène, à chaque
fois la même et si différente à la fois. Je vois cet homme qui pourrait être
mon père, mon frère, mon voisin qu’importe ce qui compte c’est qu’il soit
humain. Assis, dans un coin de la rue, parfois sur le trottoir, d’autres fois
en face d’une bouche de métro. Le regard baissé, remplis de craintes et
d’espoir. Les mains croisés, les lèvres gercés. En somme, un être visible qu’on
a décidé de rendre invisible. Même la mort lui semble plus chaleureuse que
notre mépris et notre indifférence quotidiennes. C’est une triste réalité
transformé en banalité. Et je constate que notre société coule vers sa dérive. Elle
ne cesse de piétiner toutes nos valeurs sacrées. Mon but n’est pas de blâmer
l’Homme, je ne veux qu’interroger son regard.
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